7 août 2014

Et si mon petit coeur arrêtait de battre...



Nous avions, un lundi matin, un rendez-vous très très important à l'hôpital Ste-Justine. Ce rendez-vous avait été fixé parce que mes parents se sont fait dire qu'il serait nécessaire pour moi d'avoir un papier de niveau de soin. Ce papier est un document très important qui dit les volontés de mes parents advenant le cas où il m'arriverait quelque chose de plate. Au Phare, ce document était nécessaire pour que les soignants soient guidés en cas de complications.

Donc, ce fameux lundi-là, à 10h30, nous allions rencontrer l'équipe des soins palliatifs de Ste-Justine.

Mes parents, fidèles à leurs habitudes, se tenaient la main et marchaient dans les corridors ne sachant pas trop comment la discussion allait tournée.

Ils savaient ce qu'ils voulaient. Ils en avaient longuement discuté ensemble avant de prendre ce rendez-vous. Ils savaient qu'advenant le cas où mon petit coeur s'arrêterait de battre, qu'ils ne voulaient pas forcer les choses. Ils savaient que lorsqu'il y avait eu des moments difficiles pour moi dans le passé, ils trouvaient cela difficile de me voir gérer tout cela seule. Ca en faisait beaucoup pour mon petit corps délicat de princesse. Surtout, au mois de janvier 2014, où je me laissais aller à moi-même. Ne sachant pas trop comment remettre mon corps sur pied. Je me perdais peu à peu à essayer de survivre. Pour eux, cela avait été la pire des épreuves jusqu'à maintenant. De voir que sans la médecine, je ne serais probablement plus avec eux. Mon papa et ma maman ont trouvé cela trop difficile de me voir ainsi.

Il y avait 3 personnes qui étaient présente dans la grande salle de conférence. Un médecin spécialiste en soins palliatifs, un pédiatre et une infirmière pivot qui elle aussi était spécialiste en soins palliatifs.

Ils ont été super gentils dès le départ. Ils me regardaient tous beaucoup. Mes parents aussi me regardaient beaucoup avec plein d'amour dans leurs yeux.

Le médecin expliquait à mes parents que cette rencontre ne voulait en aucun cas dire que j'étais en phase terminale, mais c'était plutôt pour que nous soyons tous prêts et sur la même longueur d'onde: autant les ambulanciers, les premiers répondants, les infirmières du Phare, les urgentologues, les inhalothérapeutes, les pédiatres et ma famille aussi.

J'étais au centre de la conversation. Mes parents ont dû raconter toute mon histoire médicale. Pour être très sincère, c'était plus ma maman qui parlait dans ce bout de conversation là! La médication, les hospitalisations, ma réaction face aux différents types de convulsion, etc. Ils voulaient aussi savoir comment cela se passait à la maison. Comment mes frères et ma soeur réagissaient face à ma condition. Comment ils réagissaient devant mes crises d'épilepsies.

Ils nous ont demandé si nous avions discuté avec ma fratrie que ma santé était fragile. Mes parents ont tout expliqué. Ils ont dit que tous savaient, que mes deux frères me protégeaient, qu'ils voulaient toujours me prendre. Qu'il y avait même un de mes frères qui me prenait toujours dans ses bras comme si c'était la dernière fois.

La discussion s'est dirigée vers les services que nous offrait notre CLSC. Tous étaient d'accord que nous manquions de service, ils allaient remédier à la situation! Houyou! Ils ont pris en note le nom de ma travailleuse sociale et ils allaient la contacter directement.

Le médecin nous expliquait que le service qu'il voulait pousser le plus, c'était le service d'un médecin de garde. Advenant le cas où je décèderais à la maison, un médecin pourrait venir constater mon décès et ma famille pourrait donc rester à la maison pour me serrer dans leur bras aussi longtemps qu'ils le voulaient... Au lieu de prendre l'ambulance jusqu'à l'hôpital pour qu'un urgentologue atteste le décès. Ce service, ma maman y tenait. Ce serait sa prochaine bataille s'il le fallait. Pas question d'aller à l'hôpital. Elle voulait prendre son temps à la maison, ici, avec ma famille...

Quand il est venu le temps de rédiger le papier, les médecins avaient déjà fait une ébauche.

Il était inscrit:

Aucune intubation
Aucune réanimation

Euh, ma maman et mon papa ont sursauté.

Ils avaient discuté qu'ils ne voulaient pas de réanimation, mais ils n'avaient pas parlé ensemble de l'intubation.

Ils étaient d'accord, si mon petit coeur venait qu'à s'arrêter, la réanimation ne serait pas pratiquée... mais, mes petits poumons eux? Ils ont demandé de faire changer le protocole parce qu'ils n'étaient pas à l'aise. Dans le passé, j'ai dû être intuber 2 fois. Une fois parce que j'avais de la misère à respirer à cause de ma coqueluche et l'autre fois à cause d'une convulsion qui avait mal tournée. Ils ont demandé s'il était possible de mettre une parenthèse à l'énoncé de l'intubation pour y inscrire: pas d'intubation sauf lors d'une infection ou lors d'un status épilepticus (crise d'épilepsie prolongée). Ce qui signifiait que si mes petits poumons s'arrêtaient de fonctionner parce qu'ils étaient simplement fatigués, l'intubation ne serait pas de mise.

Tout cela était très intense. Mon papa tenait la main droite à ma maman et de sa main gauche, il me flattait la main.

Lorsque l'infirmière a demandé à ma maman et mon papa si nous avions besoin de quelque chose. Mes parents ont dit que cela faisait longtemps qu'ils demandaient d'avoir une bonbonne d'oxygène à la maison. Je devenais souvent bleue et cela m'aiderait à être plus confortable. Les docteurs étaient très surpris de savoir que nous n'en avions pas.  Ils ont remédié à cela tout de suite.

C'est fou, parce que, souvent, ma maman se sent comme si le CLSC minimisait mon état. Alors que là, à cette rencontre, les docteurs prenaient la chose très au sérieux et ils trouvaient justifié que nous soyons assis tous ensemble aujourd'hui.

Ma mamie, chez elle, elle était toute triste. Elle croyait que cette rencontre signifiait que mon état était rendue critique. Ma maman l'a rassuré et elle lui a fait voir comment j'étais si en forme ces temps-ci.

J'étais en forme comme jamais!